Depuis la semaine dernière, les articles sur la chanteuse pullulent sur Google à l’occasion de sa venue à Paris pour « The Eras Tour ». Outre l’opportunisme SEO du clic, de multiples tentatives d’explication du phénomène par des arguments factuels. Vous n’y êtes pas, ce qui fait le succès de Taytay, ce ne sont pas les chiffres, ce sont ses mots.
« J’ai l’impression que tout lui est tombé tout cuit dans la bouche, comme si un jour elle avait décidé de chanter et que le lendemain, c’était une superstar ». J’éclate de rire à l’écoute de ce vocal envoyée par ma chère Caroline R, consoeur de toujours, copine aigrie comme je les adore, et factuellement autrice de la newsletter Compte-Rendu. Je savais de source sûre qu’elle n’était pas dans la secte Swiftie mais qu’elle montrait cependant l’envie de comprendre. C’est pourquoi je lui ai demandé - en amont de la rédaction de cette newsletter - de me lister sa pensée sans filtre, à travers des a priori parfaitement extérieurs (elle confie elle-même savoir qu’elle est dans le faux mais qu’elle répondait simplement à l’exercice). C’est une fait : pour ceux qui ne prennent pas le temps de se pencher sur la question, Taylor Swift est et restera le plus grand OVNI de la planète musique. Mais, quand bien même vous feriez toutes les recherches du monde, visionneriez toutes ses interviews, liriez toutes les études et les biographies, vous n’arriverez à rien sans écouter sa musique. Et encore, je suis entièrement convaincue que c’est un long processus qui s’inscrit dans le temps et dans votre vie. On ne nait pas fan de Taylor Swift, à l’écoute d’une chanson choisie pour fonctionner commercialement à la radio à l’image de « Shake it off » que Jérémy, directeur de la rédaction de Télé 7 jours, et Victoria, aka @youcanheartit, qualifient tout deux comme sa chanson la plus surcotée (je suis complètement d’accord). Non, on DEVIENT fan de Taylor Swift. Comme on devient adulte, comme on tombe amoureux, comme on prend le temps de guérir.
Je n’ai pas la prétention de parler au nom de tous les Swifties de la planète. C’est pourquoi j’ai décidé, dans cette marge #18, de vous raconter comment je suis simplement devenue l’une d’entre ell.eux.
La toute première rencontre a eu lieu, comme beaucoup, à l’écoute lointaine de « Love Story », sortie en 2008 et paroxysme musical de ce que j’adorais en tant qu’adolescente naïve et romantique. À cette époque-là, Taylor Swift n’est qu’une petite chanteuse de country, dont les textes et la musicalité se combinent parfaitement avec les romcoms dont j’ai toujours raffolé. Un prince, une princesse, une histoire d’amour qui finit bien : what else pour la moi de 16 ans, finalement ?
C’est d’ailleurs également le cas de mon amie Louane, Swiftie de la première heure que je n’ai pas manqué de sonder pour cette newsletter. « Moi j’étais chaude dès son deuxième album. Normal, j’étais une adolescente, alors quand j’ai vu son clip de princesse à la Roméo et Juliette, j’étais en mode, oui bah oui, évidemment bien sûr. Et puis, il y a eu “You Belong with me” avec le truc des pancartes, et c’était parti » me raconte t-elle en s’attelant à ses friendship bracelets. Mais si elle m’avoue s’être vraiment intéressée à la chanteuse par le biais de sa chanson « Crazier » présente dans « Hannah Montana, the movie » dont elle était archi fan… en ce qui me concerne, la véritable accroche s’est faite bien plus tard, en 2013.
À cette époque-là, je vis une histoire avec un garçon tout à fait instable qui s’amuse à me faire péter un câble tous les quatre matins et, durant mes longues heures de ruminations psychologiques, j’erre lamentablement sur Youtube à la recherche de paroles de chansons qui pourraient exprimer, à ma place, le mélange d’émotions chaotiques qui dansent en moi. J’ai toujours utilisé la musique pour réaliser une catharsis bien nette et précise des choses que j’étais incapable de verbaliser. Quand soudain, l’illumination. Je tombe sur un certain clip de Taylor Swift, que j’ai volontiers laissée dans un coin quelques années. La chanson s’appelle « I knew you were trouble », la meuf qui chante a les cheveux roses me faisant un peu penser à Avril Lavigne et les images défilent, en toute cohérence avec ce que je vivais à ce moment-là, à savoir, amourachée d’une andouille finie, aimant à problèmes, ravie de me rendre jalouse pour un rien, le tout dans un climat de tension absolument insoutenable. Toxic as fuck, je n’aurais tellement plus l’énergie de tout ça aujourd’hui.
La justesse des mots, de la situation, des images qui défilent devant mes yeux m’intriguent et me réconfortent : je me souviens m’être sentie moins seule puisqu’après tout si quelqu’un a fait une chanson sur ce genre de cas, c’est que nous devons être nombreuses. L’album « Red », sorti en 2012, annonce la couleur (jeu de mot douteux, j’en conviens) avec des tubes tels que « We are never ever getting together », « 22 » ou encore « All too well » (dont on ne découvrira la version intégrale de 10 minutes que lors de la réédition de l’album en 2021, avec une pensée émue pour Jake Gyllenhal qui en a été la principale inspiration). La mélodie reste en tête, les paroles sont de plus en plus punchy, le tout sur un mix and match de pop et de country… ce qui n’est pas sans rappeler l’iconique Shania Twain aux yeux de Jéremy qui définit cet album comme un « petit bijou ».
2014, embarquement immédiat pour 1989. Je viens d’arriver à Paris, ai laissé le susdit mec problématique derrière moi (physiquement) avec quelques séquelles (sentimentalement). C’est le tout premier album de la chanteuse que je vais réellement écouter en entier… et en boucle.
Ce qui est relativement risible quand on sait que c’est l’album de Taylor qui représente son départ de Nashville pour la vie new-yorkaise, comme une sorte de renaissance, célibataire et prête à avancer. Je ne l’ai appris que la semaine dernière. Period, un peu non ?
Inconsciemment, j’avais complètement occulté « Shake it off » premier single dévoilé en amont de la sortie de l’album. Ce n’est pas que je n’aime pas cette chanson, mais à cette époque, je ne suis absolument pas documentée sur la vie personnelle de Taytay, je ne sais pas qui sont ses ex et j’en ai rien à faire, et je trouve la chanson un peu midinette. Encore aujourd’hui d’ailleurs, même si malgré ce point de vue un peu snob, « on sait très bien qu’on va s’enjailler dessus comme never » précise Louane lorsque je lui demande quelle est la chanson de TS la plus surcotée (vous noterez qu’on est tous d’accord sur ce point, ce n’est pas pour rien).
Paradoxalement, c’est aussi la chanson et l’album - résolument plus pop que country - qui vont accroître considérablement sa visibilité. « C’est à ce moment-là qu’elle a commencé à se nourrir des critiques pour en faire des chansons et à laisser ses sentiments, ceux qu’on ressent tous finalement, s’exprimer pleinement avec parfois toute leur complexité » m’explique Jérémy. Je ne peux qu’être d’accord puisque c’est avec lui que je me suis faite radicalement fauchée par le phénomène, notamment grâce à « Blank space » qui restera pour toujours la chanson de Taylor Swift qui m’a fait ressentir une intensité folle au moment de la découverte. Une partie de moi regrette simplement que ce soit un de ses tubes radio… mais tout de cette merveille musicale me touche en plein coeur, des paroles (« Cause baby i’m a nightmare dressed like a daydream », I mean… wow) jusqu’à la DA du clip dans lequel elle joue ironiquement avec l’image de croqueuse d’hommes qu’on lui prête. La 1989 Era, c’est celle de tous les succès qui s’enchaînent : « Out of the Woods », « Style », « Wildest Dreams » ou encore « Bad Blood » dont le clip d’anthologie où sont présentes un petit nombre de ses « modestes » copines telles que Selena Gomez, Gigi Hadid, Cara Delevingne, Zendaya, Karlie Kloss, Jessica Alba, Ellen Pompeo ou encore Cindy Crawford, cumule plus d’1,6 milliards de vues sur Youtube. OKLM Taytay. J’ai toutefois une tendresse particulière pour les titres moins médiatisés tels que « All you had to do was stay » ou « New Romantics » qui me donnent envie de sauter sur mon lit dans ma meilleure performance de drama queen.
Drama queen, c’est également l’étiquette que les tabloïds ont donné à Taylor Swift, à la suite du « Kim&Kanye Gate ». Ce papier n’étant pas un décryptage factuel du phénomène, voici ce que vous devez retenir : Kanye West a humilié Taylor Swift alors qu’elle recevait le prix du « meilleur clip » aux VMAs (2009), des excuses ont apparemment été prononcées et la bonne entente des deux célébrités était passablement acquise. SAUF QUE, avec le lancement de sa chanson « Famous » en 2016, le petit Kanye a rejeté de l’huile sur le feu en osant le, je cite, « I feel like me and Taylor might still have sex. Why ? I made that bitch famous ». Le tout avec un sosie en cire de la première concernée, à poil dans un lit. L’affaire s’envenime quand les versions commencent à diverger : selon le clan West, Taytay avait donné son accord, à l’inverse de ce qu’elle assure de son côté. Pire encore, un enregistrement magouillé de la conversation téléphonique est diffusé par Kim K sur Twitter. Et là, la descente aux enfers. Taylor Swift est slut-shamée, shamée tout court, traitée de menteuse, de manipulatrice et de « serpent ». Elle disparait alors du radar médiatique pendant plus d’un an. Une année sur laquelle elle reviendra comme « la plus difficile pour sa santé mentale », où elle s’est coupée de ses proches, a déménagé à l’étranger et où elle n’arrivait plus à faire confiance à qui que ce soit.
Et là vous vous dites « mais pourquoi elle nous raconte tout ça ? ». Tout simplement parce qu’à mes yeux, c’est à ce moment-là que la Taylor Swift que le magazine Forbes a classé 5ème femme le plus puissante du monde en 2023 a vu le jour. Quand tout s’effondre autour de vous, vous avez le choix : rester à terre ou vous relever. Et ça, vous n’avez pas besoin d’être une chanteuse mondialement connue pour le savoir. La seule différence, c’est que la béquille sur laquelle Mother Swift s’est appuyée est un album du nom de « Reputation » dévoilé en 2017. Je me rappellerai toute ma vie l’instant où j’ai découvert, bouche ouverte, le clip de « Look what you made me do ». Taylor est transformée, physiquement et mentalement. Les chansons de cet album dont « Don’t Blame me », « …ready for it ? » ou encore « Delicate » ne ressemblent en rien à ce que l’on a connu précédemment. L’accueil de cet opus divise la critique qui ne sait plus sur quel pied danser. La revenge girl en moi, ou « la meuf vénère » comme dirait Louane, jubile absolument. C’est l’Era de la claque dans ta gueule.
Mais comme on n’a pas toute la vie pour être en colère, TS - tout juste ressuscitée - reviendra à quelque chose de plus rassurant pour les fans, mais de subtilement impliqué à travers l’album « Lover » en 2019 (qui sera d’ailleurs le premier à sortir dans son propre label, j’y reviendrai plus tard). Le premier single « Me » prend pourtant tarif et agace. Trop simpliste, trop pop, trop coloré. Le contraste avec l’album précédant dérange dans un premier temps pour devenir, par la suite, un succès, notamment grâce à sa tournée internationale post pandémie - The Eras Tour - qui lui permettra de lui donner plus de visibilité. Mais l’Era Lover, c’est surtout celle qui va dévoiler un peu plus les engagements politiques de Taytay avec notamment la chanson « You need to calm down », hymne à la communauté LGBTQIA+ dont la chanteuse a toujours été alliée, ou encore l’iconique titre « The Man », où travestie en cliché d’homme blanc cisgenre de l’Amérique de Donald Trump, elle montre un visage de féministe assumée. Vous l’aurez deviné, c’est une de mes chansons favorites de sa discographie. Sous couvert de rythme pop et de jolis sourires, Mother Swift démembre littéralement le patriarcat. Yeppee yay.
Je ne vais pas vous bullshiter, les deux albums suivants, tous deux sortis en 2020, « Folklore » et « Evermore », n’ont pas spécialement volé mon coeur même si je porte une affection particulière à certaines chansons à l’image d’ « August », « Champagne Problems » ou « my tears ricochet ». Mais son approche du genre folk reste tout autant méritante et agrandit sa palette de propositions, ce qui n’est pas sans laisser de marbre cell.eux qu’elle n’avait pas encore séduit comme le confirme Jéremy « L’album Folklore a contribué à ce que beaucoup de personnes la respectent plus artistiquement, puisqu’elle est totalement sortie du cliché star formatée qui chante de la pop. »
Puis, arrive « Midnight » à la fin de l’année 2022. Un double album surprise qui tombe à pic dans une période de ma vie où tout est noir. « What's a girl gonna do ? A Diamond’s gotta shine ». Ces quelques mots de la chanson « Bejewelded » suffisent à eux seuls à me faire entrevoir la lumière au bout du tunnel (qui n’arrivera qu’en 2024 mais l’essentiel était là). Pour Victoria, c’est cette Era qui a marqué un autre tournant du phénomène, notamment à l’internationale avec l’annonce de sa tournée. « Taylor connait en ce moment même une renommée et une reconnaissance qu’elle n’a pas encore expérimenté depuis le début de sa carrière » et elle n’a probablement pas tort car « Midnight » est l’album de tous les records : première artiste à monopoliser le TOP 10 des Billboard Hot 100 avec les titres d’un seul et même album, record de l’artiste féminine la plus écoutée dans l’histoire de Spotify, record de l’album le plus écouté de la plateforme en une seule journée… et il y a de quoi faire avec ces 20 nouveaux titres traitant des sujets actuels qu’elle définissait elle-même comme « un voyage à travers les terreurs et les beaux rêves, les étapes que nous rencontrons et les démons auxquels nous sommes confrontés ». Diantre, elle vous semble pas loin la chanteuse de country aux boucles d’or ? Perso, je la situe dans la même temporalité que la version de moi qui avait une frange qui lui recouvrait la moitié du crâne et qui tenait un skyblog au nom douteux.
2024, explosion absolue pour son dernier album « The Tortured Poet Department » aka TTPD pour les intimes. Autres histoires, même sensation de cocon absolue à l’écoute des 31 chansons que je n’ai pas encore eu le temps de profondément décortiquer malgré les multiples écoutes consécutives. Être Swiftie, ça se travaille et ça se mérite. C’est bien pour cette raison que les gens qui n’adhèrent pas au phénomène sont souvent ceux qui n’ont jamais pris la peine d’écouter. CQFD, je n’invente rien.
Si vous me trouvez abusive dans la comparaison, vous ne savez pas où vous mettez les pieds. Factuellement parlant, les projections de l’industrie musicale ont annoncé que d’ici approximativement un an, Taylor Swift deviendrait l’artiste féminine la plus vendue au monde, surpassant Madonna. Mais une fois de plus, mettons de côté les chiffres, voulez-vous ? Ils ne sont que le résultat des mots (mes profs de maths du collège en pls…).
« J’ai le sentiment qu’elle est un peu lisse, chiante en fait » tranchait ma très chère Caro de sa voix douce. Et je comprend tout à fait que d’un point de vue (très) extérieur, on se demande en quoi Taylor Swift est politiquement iconique. Et pourtant… sous ses airs d’américaine lisse et traditionnelle, elle use de son influence comme très peu de pop-stars auparavant. À commencer par sa décision de réenregistrer chacun de ses albums édités originellement par Big Machine Records dont les cessions et ventes de droits sur ses premiers disques ont fini par bénéficier à Scooter Braun (qui avait pris auparavant la défense de Kanye West) pour finalement revendre tranquillement la société à un fond d’investissement, empêchant par la présente TS de racheter les droits sur ses propres chansons. Il n’en a pas fallu plus à Taytay qui, en rééditant elle-même ses 6 premiers albums, est devenue aujourd’hui l’artiste féminine internationale la plus riche seulement grâce à sa musique. Avec elle, les sexistes ne gagneront pas. Et sur ce point, il est important de préciser que les engagements féministes de Taylor sont loin d’être timides. Un procès gagné pour agression sexuelle plus tard, et un véritable empire à son nom, elle continue de conquérir la planète alors que ses principaux détracteurs ne sont autre que des hommes. Et ça, ça m’enchante pleinement. Génie plus encore, n’oublions pas qu’elle se fait de la tune en racontant les bavures de ses exs en chansons, j’appelle ça le karma le plus rentable de l’histoire.
« C’est une femme puissante donc on la traite de manipulatrice là où on dirait d’un homme qu’il est brillant » explique Jeremy. Et la flippette masculine ne s’arrête pas là puisqu’influence grandissante oblige, il est déjà arrivé à la chanteuse d’utiliser sa visibilité pour s’impliquer politiquement, à l’image des élections présidentielles américaines, où elle a invité sa communauté à s’inscrire sur les listes électorales en septembre dernier, engendrant ainsi plus de 35 000 nouvelles inscriptions en une seule journée. Oui, tu peux trembler Donald… et surtout écouter « Only the young », un hymne bien trop méconnu écrit par la chanteuse pour inciter les plus jeunes à prendre le pouvoir de décision démocratique qu’ils négligent bien trop souvent. Sacré Taytay. C’est fait joliment, mais c’est fait quand même. N’en déplaisent à ceux qui ne se documentent pas.
Lorsque j’ai demandé à mes intervenants si pour eux, le phénomène culturel et générationnel qu’elle représente était comparable à la Madonna des années 80, les réponses n’ont pourtant pas été unanimes. D’un côté, Victoria et Jéremy s’accordent sur le fait que l’argument est recevable. Pour la première, c’est en parti du au fait que « TS parle à plusieurs générations désormais, mais aussi qu’elle a un vrai impact économique et politique, représentant une figure qu’on a envie de suivre, d’écouter mais en qui on pourrait réellement avoir confiance ». Pour le second, elle rejoint le club des « personnalités dont l’influence dépasse le cadre de la musique, devenues phénomènes avec parfois même, des enjeux diplomatiques puisqu’ils parlent à tout le monde et pas simplement à une catégorie de personnes, ce qui est assez rare. »
En revanche, du côté de Louane, on est pas tout à fait d’accord avec cette comparaison. Elle m’explique que « c’est très différent car elle a beau être une hyper pop-star, elle a un côté hyper accessible et donc quelque chose de moins iconique dans le sens premier du terme. Elle est super simple, super authentique à côté d’une Madonna qui a façonné ouvertement son personnage ».
En ce qui me concerne, je trouve l’énergie similaire. Je me souviens d’une interview de Madonna, réalisée par Claudette Cottagnoud en 1991. La journaliste demande à l’icône si selon elle, les hommes ont peur des femmes. Ce à quoi Madonna répond « weak men are affraid of strong women », avec un calme et une résilience à toute épreuve. Celle qui pourtant porte l’un des visages de la révolution féminine du 20ème siècle dévoile une part d’humanité folle.
« Je trouve pas qu’elle ait une voix de ouf, je la trouve fade. Pour moi, c’est grave Madame tout le monde. Madame tout le monde avec du talent » me disait Caroline. L’idée me plait. Sans s’en rendre compte, elle a formulé la réponse à sa propre question.
Elle est là, la clé du succès de Taylor Swift : malgré son statut de superstar planétaire construit finement sur une progression opérée pendant 18 ans de carrière, elle donne toujours le sentiment d’être comme nous. Et sur ce point en revanche, tout le monde tombe d’accord : ce qui fait sa popularité grandissante, c’est son humanité, sa proximité et surtout son « incroyable capacité à donner du sens à des sentiments difficiles à exprimer. Il y a forcément une chanson de Taylor qui décrit fortement ce que l’on a pu connaître à un moment dans notre vie » précise Victoria. Propos confirmés par Jéremy qui ajoute qu’elle a « ce talent de coller parfaitement aux émotions humaines. Elle a su mettre des mots sur des sentiments. C’est dur à exprimer un sentiment. Et avec le temps, ses albums arrivent à couvrir un large spectre donc il y a forcément une chanson de Taylor Swift pour chaque situation de vie. »
Ce qui est fou dans ces témoignages recueillis par email la semaine dernière, c’est que ces deux personnes ne se connaissent pas, n’ont pas le même âge, ni le même sexe, ni la même vie. Et ils ont, malgré eux, donné une argumentation quasi-similaire en guise de réponses à mes questions. Quant à Louane, dont le rythme de vie est celui qui pourrait se rapprocher le plus de celui de la chanteuse (même si elle concède que c’est vraiment d’un tout autre niveau), c’est également ce qui la différencie de ses consoeurs de l’industrie musicale telles que Beyoncé ou Lady Gaga : « Taylor Swift arrive à avoir le bon dosage entre ‘oui je suis une superstar’ et l’impression que tout ce qu’elle vit, on pourrait le vivre nous aussi. Ce qui n’est pas vrai parce qu’elle a une vie très particulière mais elle arrive tout de même à nous donner cette sensation-là. Être capable de retranscrire les sentiments des gens et les siens, et faire en sorte que le parallèle soit quelque chose dans lequel tout le monde se retrouve, c’est quand même hyper impressionnant. »
L’appellation « Madame tout le monde » n’a jamais eu autant de sens. Taytay n’est effectivement peut-être rien de plus que notre meilleure amie. Mais en même temps, qui appelez-vous lorsque vous avez besoin de soutien et de compréhension ? Si de nombreuses études ont démontré qu’écouter les titres de la pop star contribuaient à une meilleure santé mentale, c’est surtout l’effet de la musique sur notre cerveau en général qui joue une grande place dans ces conclusions. Ajoutez-y donc un sentiment d’assimilation et de compréhension et vous touchez le jackpot. Je suis d’ailleurs assez d’accord avec les propos cités plus haut, il y aura toujours une Era qui correspondra plus ou moins à votre mood du moment. Moi par exemple, je suis très « Reputation » actuellement, alors que de façon générale, je suis définitivement une 1989’s girl.
Écouter Taylor Swift, c’est - in fine - ne plus jamais se sentir seul.e d’une certaine façon, et c’est accessible partout, tout le temps, par tout le monde. De la même manière, Mother Swift récolte toute la loyauté qui lui est due par l’effet qu’elle procure aux gens qui la suivent depuis des années.
Je crois que c’est ça le plus important à retenir au final, c’est une véritable relation (certes indirecte) qui évolue avec le temps mais qui reste vraie. À ma minuscule échelle, c’est d’ailleurs ce que je m’évertue à faire avec cette newsletter où je vous raconte ma vie et où, à chaque parution, je m’étonne de recevoir des messages incroyables de personnes qui me remercient de mettre des mots sur ce qu’elles vivent, bien que je ne sache absolument rien de leur vie privée et de leurs sentiments. “Je ne peux pas changer ce qui va m’arriver, mais je peux contrôler ce que j’écris” disait Taylor dans le documentaire “Miss Americana” disponible sur Netflix. Et vous, vous doutez encore du pouvoir des mots, ou bien ?