la marge.

La marge, c'est autant un lieu d'observation, d'annotation et de commentaires qu'un endroit qui nous sépare du monde, tout en nous y incluant. Bref ma safe-place.

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Par Laurie Planes
11 nov. · 6 mn à lire
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Childless Cat Lady.

Me voici de retour avec, pour cette marge #25, un sujet que j’ai eu le temps de mûrir pendant mon absence. Depuis le 4 septembre dernier, je suis la maitresse d’un petit chat malicieux prénommé Nougaro. Et cette boule de poil au pelage flamboyant ne m’a que trop bien rappelé que je ne suis rien d’autre qu’une « Childless Cat Lady ».

Je n’ai sincèrement eu le temps de rien. Cette newsletter débutera donc par de plates excuses pour cette absence bien longue dans le rythme bi-mensuel que je m’étais fixé jusqu’ici. Une rentrée professionnelle sur les chapeaux de roue a eu raison de mon planning d’écriture. Mais pas que. J’ai pris du temps pour moi sur celui qui me restait, et puis, lui aussi a pris de mon temps pour lui. Lui, c’est Nougaro. Un joyeux chaton à la truffe parsemée de tâches de rousseur si mignonnes qu’il me grille littéralement les neurones chaque jour qui passe. 

Il est curieux ce sujet de newsletter, pas vrai ? Là, c’est le moment où vous vous dites : « Elle va pas nous parler de son chat pendant une heure quand même ? ». Rassurez-vous, l’idée n’est pas de vous spammer autant que dans mes stories Instagram. Cette adoption totalement imprévue a beau faire mon plus grand bonheur en tant qu’être humain, elle a également soulevé un véritable sujet qui me tient à coeur en tant qu’éditorialiste chevronnée : la femme à chat. 

C’est un fait, elle a toujours fait couler beaucoup d’encre. Elle a même ressurgi dans un contexte auquel je n’aurais pas pensé : les élections présidentielles américaines. « Childless Cat Lady », serait l’insulte suprême (et misogyne) selon J.D Vance - l’un des colistiers de Donald Trump - pour qualifier Kamala Harris. Les sous-entendus de cette expression sont assez clairs : renvoyant directement au stéréotype de la « vieille fille à chats », une CCL* n’est autre que cette femme sans enfants, souvent célibataire, soupçonnée trop aigrie pour être aimée, donc sans grand intérêt pour le bien d’une société au regard des conservateurs traditionalistes qui valorisent l’image de la mère au foyer qui dévouerait son utérus tout entier à perpétuer la race humaine et à passer ses journées à faire cuire des tartes aux pommes pour son cher époux qui se tue à la tâche pour faire subsister ses avantages privilégiés d’Occidentaux (j’ai des relents). Personnellement, j’essaie toujours de comprendre en quoi c’est censé être insultant, j’y trouve même beaucoup d’avantages présenté de la sorte. Tout comme Taylor Swift, qui s’est totalement revendiquée comme Childless Cat Lady dans sa publication de soutien pour la candidate démocrate le 11 septembre dernier, j’aurais presque envie d’intégrer cette appellation dans ma bio instagram tant je la trouve flatteuse… et puissante. 

Après tout, préférer la compagnie d’un animal au starter pack initial que l’on attend de nous, c’est couillu, et parfaitement politique.

Au bûcher, sorcière. 

Pour comprendre le sous-entendu maléfique du profil de la CCL, il faut remonter quelques siècles en arrière, à une époque où vivre seule avec un chat en faisait déjà chier plus d’un

Comme l’a très bien exprimé Mona Chollet dans son essai « Sorcières » : 

Aujourd’hui, l’indépendance des femmes, même quand elle est possible juridiquement et matériellement, continue de susciter un scepticisme général. Leur lien avec un homme et des enfants, vécu sur le mode du don de soi, reste considéré comme le coeur de leur identité. La façon dont les filles sont élevées et socialisées leur apprend à redouter la solitude et laisse leurs facultés d’autonomie largement en friche. Derrière la figure de la « célibataire à chat », laissée-pour-compte, censée être un objet de pitié et de dérision, on distingue l’ombre de la redoutable sorcière d’autrefois, flanquée de son « familier diabolique ». 

Les sorcières donc. Symbole absolu du maléfique au féminin. Ce qu’il faut comprendre, c’est que je ne vous parle pas spécialement de pouvoirs magiques ici. Il a été démontré qu’à cette époque de l’histoire, le simple fait de ne pas répondre aux normes de la société bien en place, de faire preuve d’un tant soit peu d’indépendance et de solitude, et de préférer la présence d’un animal qui n’a pas de pathologie de dépendance affective à ses côtés serait une liste assez recevable de critères pour finir cramée sur un bûcher. Bah oui, il ne faudrait pas que ces dernières influencent un tant soit peu l’ordre établi. Bah voyons, toujours plus de violence pour ce qui ne peut être contrôlé. Et comme les empreintes de siècles d’un patriarcat redoutable sont aussi difficiles à faire partir qu’une tâche de vernis sur un vêtement en coton, nous en sommes tout de même toujours un peu là. Ce point de vue peut paraître extrême mais regardez-y à deux fois. A-t-on déjà reproché quoi que ce soit à un homme qui vit seul avec son chien ? ET VOILÀ. Il y a ce truc dans le combo’ femme indépendante + animal indépendant qui fait trembler les normes. Pire encore, le seul exemple qui me vient d’un tableau homme seul + chat, c’est Gargamel et Azrael. Super publicité, super valorisant. 

Et pourtant, comprenez-bien qu’on ne passe pas notre vie à jeter des sorts & autres malédictions tous les soirs. On est plutôt genre papouilles gratouilles sous le plaid devant Netflix. Il en faut si peu pour terroriser la masculinité fragile. Oui, je me moque. Mais c’est ma newsletter donc je fais ce que je veux. 

Alors oui, heureusement, il n’y a pas que des femmes seules qui vivent avec un chat. D’ailleurs, plusieurs de mes ami.e.s arrivent à tout faire coexister. Et vous savez ce que c’est le dénominateur commun ? Un homme intelligent, à l’aise avec son énergie féminine. Bref, une denrée rare. 

Les hommes qui aiment les chats, ces bons à marier. 

Jetez moi la première pierre, mais je vous assure qu’on est sur un vrai sujet d’étude là. Dans mon entourage, c’est du fifty-fifty, j’ai donc eu le temps d’observer pour appuyer ma théorie : les hommes sont beaucoup moins réticents face aux chiens, que face aux chats. Mon avis, qui n’engage que moi je vous l’accorde, c’est qu’ils retrouvent quelque chose de réconfortant dans le caractère canin. Le chien a la réputation de pouvoir être dressé… c’est à dire contrôlé. Il fait ce qu’on lui dit et répond toujours présent lorsque l’on décide d’entrer en échange avec lui. Son/sa maître/maîtresse reste le centre de ses préoccupations. Et ça, ça nourrit clairement un héritage un peu merdique de mâle alpha. J’en profite pour préciser que je n’ai rien contre les toutous. Je les adore même, mais chez les autres car j’ai la décence d’admettre que c’est beaucoup trop co-dépendant pour moi. Le truc qui fout la merde dans tout ça, c’est qu’il est parfaitement possible de dresser un chat, cela demande simplement un peu plus de patience et d’engagement émotionnel. Mais ça, ÇA, c’est compliqué pour les hommes hein. 

Depuis que je vis seule, j’ai toujours eu un chat à mes côtés. Il y a eu Bianca, qui n’était pas commode et dont je puisse comprendre que mes ex pouvaient avoir peur, puis Papuche, qui était incapable de me décoller d’une semelle, ce qui m’a valu des situations cocasses que je vous épargne, et puis maintenant, Nougaro. Et en 15 ans de colocation féline, je n’en ai pas vu beaucoup des mecs à l’aise avec le dossier. Ça s’assoit à l’autre bout du canapé, ça veut les écarter avec le pied, ça les regarde avec défiance comme un adversaire de taille. « J’ai pas confiance, les chats ça peut te sauter dessus d’une seconde à l’autre ». Non Michel, un chat ça te saute à la gueule que lorsqu’il se sent en danger, donc respire un coup, il en a rien à foutre de toi. Par contre, pose pas tes fesses ici, c’est sa place et pour lui, oui, c’est une provocation sur son propre territoire. 

Merci en revanche, à tous ces hommes qui aiment les chats par eux-mêmes ou qui font le bonheur de mes amies, qui ont su accepter, comprendre et créer leur propre relation avec ces petites boules de poil. Parce que oui, ça existe. Et comme je le disais plus haut, le dénominateur commun de cette réussite, ce n’est rien d’autre qu’un homme intelligent, à l’aise avec son énergie féminine. Car il en faut de l’intelligence émotionnelle pour comprendre les chats, pour les apprivoiser. Pas de geste brusque, pas d’ordre sans argument et surtout, beaucoup de patience. On ne peut pas nier que cet animal est fait pour vivre avec les femmes. Une étude réalisée en 2022 sur 157 propriétaires de chats des deux sexes à l’Université Loránd Eötvös, à Budapest, a d’ailleurs démontré ces faits : plus d’interactions, une voix plus douce, plus de gestes affectueux, une perception plus vive de leurs besoins, un degré d’empathie supérieur et une plus grande capacité à respecter leur espace… les femmes ont remporté la victoire, fingers in the nose. 

Bah oui les gars, un animal, c’est avant tout un être vivant. Et il faut le traiter correctement pour avoir la relation la plus épanouie possible. Mais j’imagine que c’est assez risible de devoir imaginer un tel exercice, dans une société où certaines personnes ont du mal à réaliser cette prouesse avec d’autres humains. Period. 

Un amour pur pour un esprit libre

On dit souvent qu’on peut reconnaitre la bonté d’une personne à la manière dont il se comporte avec les animaux et je suis relativement d’accord avec ça. Pour comprendre les bienfaits de ces relations, il faut tout d’abord admettre qu’il n’y aucune hiérarchie émotionnelle. Qu’il s’agisse d’un chien, d’un chat ou d’un raton-laveur (mon rêve), c’est tout d’abord la rencontre de deux êtres vivants, et surtout, de deux coeurs. Dénués de tout ce qui peut intoxiquer l’âme humaine, les animaux de compagnie proposent un amour qui se mérite, mais l’amour le plus pur que la vie m’ait donné le bonheur de connaitre. Alors oui, il y a la dévotion. L’autre jour, j’ai lu sur Instagram un truc plutôt vrai : rappelez-vous que votre vie est emplie de diverses choses mais que pour votre animal, vous êtes le centre tout de. Ça m’a presque tiré une petite larmichette. Bon pas autant que la vidéo virale du « Quand tu arrives au paradis et que Dieu te dit que « quelqu'un t’attend depuis un moment » et où tu vois ton ancien chat arriver en courant et en miaulant », ça ça m’a achevé. L’amour pur, cette vertu qui vous enrobe de douceur et de bienveillance mais qui vous désarme souvent brutalement.

Pourtant, je dois admettre que je n’ai pas toujours eu conscience de ça. Comme tout le monde, lorsque j’étais plus jeune, mon chat, ce n’était que mon chat. Je l’aimais super fort, il faisait partie de chacune de mes habitudes mais je ne mesurais pas encore l’impact de sa présence sur ma propre santé mentale. 

C’est Papuche, ma minette jolie, qui m’a fait connaitre cette dimension. Pour ceux qui ne l’ont pas connue, cette petite chatte tigrée a été mon ombre durant trois années, jusqu’à être emportée par une maladie super rare. De longs mois de lutte à deux, pour finir par être obligée de la libérer pour de bon. Je n’ai pas pu rester dans mon appartement pendant deux semaines, j’ai du poser un arrêt de travail et j’ai pleuré pendant des mois. Aujourd’hui encore, lorsque je pense à elle, j’ai les yeux qui piquent instantanément. Elle ne méritait pas ce qui lui y est arrivé, et, dans une dimension un peu trop spirituelle pour certains, j’aurais tendance à croire qu’elle m’a presque sauvé la vie d’une certaine façon. Son passage fugace dans mon existence, puis sa disparition soudaine, ont contribué à ce que j’amorce des changements très forts. Le besoin de me sortir de mon ancien appartement, l’arrêt de l’alcool, le changement professionnel… Tout a commencé à se mettre en place dès sa disparition. Et la vie sans elle, n’avait plus la même saveur, jusqu’à ce que je trouve la force de laisser entrer Nougaro dans mon coeur, il y a deux mois de ça. Je ne vais pas vous le cacher, j’étais anxieuse de ne pas y arriver, de faire un transfert ou un rejet. Mais ce petit roux est arrivé au bon moment, pour la meilleure version de moi-même que j’aie jamais connue pour l’instant. 

Il m’a très vite rappelé que chaque chat a sa personnalité et sa singularité. Mais aussi ce qu’est la vie avec une boule de poils. Ce n’est pas toujours facile (je vous passe sa série de conneries) mais ce n’est jamais grave, on finit toujours par en rire. Et je n’échangerai la plénitude que je ressens avec lui pour rien au monde. Je lui ai ouvert la porte de ma maison, pour qu’elle devienne la sienne. On discute pas mal, même si je ne comprend pas vraiment ce qu’il raconte, et à l’heure où j’écris ces quelques lignes, il dort paisiblement sur le plaid à ma droite, une patte posée sur ma cuisse comme pour dire « hé l’humaine, je pionce fort mais je suis là donc si tu bouges, je vais le savoir direct » . 

Fact is : j’ai rarement rencontré un amour aussi fort et rapide avec un autre être humain. Et pourtant, j’aime certains êtres humains très très fort, ne vous méprenez pas. Mais l’amour d’un animal, c’est quelque chose qu’on ne pourra jamais égaler, même en redoublant d’efforts. La pureté de leurs sentiments frustrent les imbéciles, car s’ils voient dans le chat l’ingratitude et l’indifference, je leur répondrais qu’ils sont juste en face d’une âme saine et libre qui ne se force à rien, qui partage avec ceux qui le méritent et qui fuit ceux qui ne recherchent que la validation et la suprématie. 

Je suis quasiment sûre que vous ne vous attendiez pas à un essai politique avec cette marge mais il n’y a pas de hasard dans ce qui compose notre personne. Bref, je suis une Childless Cat Lady.

PS : Et évidemment que j’ai créé un compte Tiktok à Nougui, dont le lancement ne va pas tarder car ce chat est une star, il est fait pour être médiatisé.