La coupe de cheveux, ou comment dire adieu à ce qui ne nous retient plus.

Cette semaine, je vous propose un peu de douceur et de légèreté, à l’image de ma - désormais - masse capillaire. Loin d’être futile pourtant, le sujet de la coupe de cheveux m’a toujours semblé très politique et - allez soyons fous - je vous explique pourquoi.

la marge.
5 min ⋅ 11/02/2024

J’ai coupé mes cheveux. Courts. Plus courts que d’habitude. Je n’étais pas allée chez le coiffeur depuis le jour du mon déménagement (les vrais savent à la lecture de ces mots), c’est à dire le 3 juin 2023 et ces dernières semaines, c’était carrément devenu une obsession. Une envie folle et soudaine de me débarrasser d’eux comme s’ils brûlaient ma peau à chaque contact, comme s’ils pesaient trois tonnes, comme si c’était ceux d’une autre. Tous les matins et tous les soirs, ce tête à tête dans le miroir de ma salle de bain finissait toujours à la même conclusion : « Laurie, ce n’est plus toi ». Il est facile de s’accorder sur le fait que notre coupe de cheveux tient une place de choix dans notre personnalité, celle que l’on souhaite présenter au monde, une sorte de signature physique en guise de casque empreint de style. 

J’ai remarqué, avec les années, que nos cheveux sont probablement l’un des rares attributs physiques auquel nous nous attaquons sans aucun scrupule : coupe, couleur, brushing, mise en pli et j’en passe avec pour argument irréfutable qu’ils repousseront toujours. Il y a quelque chose de rassurant dans l’action naturelle de ce (presque) renouveau perpétuel. Je dis presque, parce que je vous assure qu’avec le curriculum vitae des miens, beaucoup ont lâché la rampe en dix ans. Comme quoi, s’acharner sur eux ne les empêche pas de revenir, mais ils reviennent de moins en moins nombreux. 

Il y a bien sûr les envies de nouveauté, de rafraîchissement mais il y a aussi et surtout, les envies de changement. Coco Chanel disait d’ailleurs cette phrase que l’on a lue beaucoup trop de fois en caption sur Instagram « Une femme qui se coupe les cheveux, est une femme qui s’apprête à changer de vie ». À la moindre épreuve, au moindre coup dur, à la moindre frustration… nos cheveux trinquent. On les colore, on les coupe, on change leur forme, on leur ajoute une frange. Et nous en éprouvons l’impression d’être une toute nouvelle personne. Hop, ni vu ni connu la rupture d’avant-hier. En voilà un phénomène fascinant dont j’ai moi-même été actrice durant des années grâce (à cause ?) d’une intolérance à la frustration qui me motive à agir d’une quelconque manière pour pallier une situation dans laquelle je me trouve impuissante. C’est comme ça que je suis passée d’une belle masse de cheveux blond foncé à une masse poreuse de cheveux marron glacé, puis involontairement roux, avec des balayages douteux pour en arriver à la fameuse coupe signature : la coupe courte.

Au diable, les princesses

Ce serait mentir que de dire que cette coupe signature est uniquement politique. La nature avait repris ses droits après 2 ans et demi de déchéance capillaire et je n’ai pas eu d’autres choix que d’avoir les cheveux courts pour récupérer un tant soit peu de masse. Quant à la couleur, qui au départ était au plus proche de ma couleur naturelle, elle n’a servi qu’à calfeutrer un blond dont il vaut mieux ne pas se rappeler. Mais à cette époque - en 2014 - j’allais changer de vie, alors n’oublions pas que le timing n’est pas toujours coïncidence. Je me rappelle avoir eu besoin d’un coup d’éclat pour repartir de zéro : ce qui est coquettement passé par un changement de tête, et un changement de parfum (mais ça, on en parlera probablement une prochaine fois). 

Déjà rebelle dans mon approche de la féminité, j’avais pu remarquer que l’un des critères physique préférés du patriarcat, était la chevelure de princesse. Une femme, avec des cheveux longs, de préférence peignés et soyeux. Bref entretenus. La majorité de mes copains de l’époque m’avait confirmé qu’ils trouvaient ça plus séduisant, plus féminins et ça leur plaisait beaucoup plus. J’ai donc observé les représentations de la beauté telles que la société les entendait : les princesses Disney, les célébrités considérées comme des icônes ou autres sex-symbols… Et j’en suis arrivée à la conclusion qu’effectivement, ce qui plaisait, c’était tout l’inverse des cheveux courts qui avaient tendance à donner un côté trop sévère, masculin, autoritaire (même s’il y a toujours des exceptions). Comme l’impression légère d’être de retour au début du XXème siècle, et ce n’est pas toujours un réel plaisir. C’est donc en contradiction totale avec ce que je pensais que l’on attendait de moi que j’ai donné mon premier coup de ciseaux. Les cheveux longs plaisent aux garçons ? Qu’à cela ne tienne, ils seront courts. De la même manière que Lio s’insurgeait en 1986 au sujet de la “bataille” entre blondes et brunes, je partais au front, cheveux au dessus des épaules. Depuis ce jour-là, je n’ai plus jamais désiré les avoir longs. En revanche, pour des questions de motivation ou de finances, je n’ai pas toujours entretenu le casque, au cheveu près, ce qui m’a habitué à ce sentiment d’impuissance face à la nature avec ce besoin permanent de revenir au plus près de ce que moi, je pouvais choisir. Très vite cependant ma couleur naturelle m’a lassée et j’ai arboré pendant de longues années un blond blanc impeccable, apportant une Barbie’s touch à mon carré de bonhomme. J’avais trouvé ma coupe signature. À tel point que lorsque je me suis égarée le temps de quelques mois sur un châtain cuivré, je ne me suis plus sentie moi-même. Pire encore, mon entourage n’a rien dit… jusqu’à ce que je fasse marche arrière, les libérant d’un « ah, enfin on te retrouve ! ». J’étais emprisonnée dans le casque que je m’étais choisi. Fact is : vous devenez ce que votre coupe de cheveux dit de vous.

Goodbye, cochonnaille. 

Le miroir de la salle de bain, mes cheveux qui ont bien trop poussé depuis huit mois, ce blond qui tire la tronche et moi nous retrouvons tous les jours sans exception. Avez-vous déjà éprouvé la sensation de ne pas voir votre propre reflet dans la glace ? Étrange. C’est vous, mais ce n’est plus vous. Loin de moi l’envie de me faire une Black Swann, l’évidence a - une fois de plus - frappé à la porte. Il fallait faire quelque chose, et surtout : quelque chose de différent. Mais de « pas trop différent » sous peine de ne pas me reconnaître du tout. 

Tout cela peut paraître très futile mais cette réflexion de l’apparence que je présente au monde s’inscrit dans un processus très long de travail sur ma personne qui a débuté depuis presque deux ans. Je me sentais une personne différente dans une enveloppe qui avait été bien trop poncée. Le changement étant en marche de façon relativement radicale dans ma vision de la vie, il fallait qu’il s’exprime désormais extérieurement. Thanks God, j’ai un coiffeur de génie qui sait relever tous les défis qui se présentent à lui. Et c’est tout simplement qu’après quelques heures de travail, j’étais redevenue moi, en version 3.0. La coupe est plus courte qu’elle ne l’a jamais été ces dernières années : c’est un vrai carré qu’il m’est impossible de dompter par un élastique. Très en accord avec ce que je souhaite représenter finalement. Quant à la couleur, bien quelle soit travaillée avec finesse, elle se rapproche bien plus de ma couleur naturelle que je n’avais plus portée volontairement depuis très longtemps. J’ai ressenti le besoin d’être à découvert, sans casque, sans altération de la vérité, au plus proche de ce que la nature avait - sans que je le veuille - choisi pour moi. 

Je n’ai eu aucun doute, aucune hésitation, aucune remarque à faire. Plus encore, le premier sentiment que j’ai ressenti a été le soulagement. Comme si un poids imaginaire qui pesait sur mes épaules avait été balancé par la fenêtre. Pourtant, ce ne sont que des cheveux, ça ne pèse pas trois tonnes (enfin, pas les miens). Mais la vérité, c’est qu’ils pesaient quelques mois de vie qui n’ont pas été faciles et ça, c’est très lourd. 

Le lien étroit entre notre énergie intérieure et nos cheveux n’est pas assez mis en avant selon moi. Cette semaine, j’ai d’ailleurs découvert une technique de coupe nommée « coupe énergétique ». Inspirée de la médecine chinoise traditionnelle, cette dernière connecte directement nos cheveux à nos émotions, telles que le stress qui a un impact direct sur leur apparence. Ces petits coquins mémorisent tout. 

Bien que ce ne soit pas le processus que j’ai personnellement employé (la coupe énergétique dispose d’un rituel bien particulier réalisé par des professionnels formés à l’exercice, puisqu’elle nécessite plusieurs étapes incluant un massage et une technique de coupe progressive au rasoir afin de stimuler votre cuir chevelu avec des ondes positives), cette découverte m’a amenée à la réflexion suivante. Le cheveu, en pousse permanente au cours d’une vie, accompagne les épreuves, ressent les ondes et les émotions en silence. Nous portons donc, sans nous en rendre compte, le poids énergétique des mois et années qui passent, sur nos épaules. Littéralement. 

Tout a pris sens quant à cette sensation de gène et de rejet que j’ai pu ressentir à leur égard avant de leur dire adieu. Ils étaient le témoignage physique d’épreuves passées que je ne cherchais pas spécialement à fuir, mais que je n’avais plus envie d’avoir sous les yeux. Bon, je ne me suis pas rasée le crâne, donc admettons ensemble qu’une partie de ces souvenirs et émotions est toujours là mais certainement pas celle qui était la plus usée, uniquement celle nécessaire pour ne jamais oublier pourquoi je me bats. Plus encore, le sentiment de libération qui s’en suit donne l’effet d’une page blanche. 

Et j’aime bien ça, les pages blanches. Elles ouvrent le champ des possibles pour écrire une nouvelle histoire. 

la marge.

Par Laurie Planes

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