Je rêve d’un monde où les hommes portent leurs couilles… et une moustache.

À J-3 du mois de novembre, je déclare ma flamme à une particularité physique qui a le don de me faire tourner la tête depuis plusieurs années. Private joke entre amis, véritable atout de séduction ou encore choix politique revendicatif, je me devais de consacrer cette marge #5 à la Moustache.

la marge.
6 min ⋅ 29/10/2023

Je vais être tout à fait honnête, j’ai un peu de mal à me souvenir d’où me vient cette fascination absolue pour une rangée de poils jugée obsolète ou totalement beauf par la plupart des gens. D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai commencé à trouver ça « charmant » il y a une dizaine d’années lorsque certains de mes crushs l’ont adoptée une fois par an, sous l’impulsion du mouvement australien « Movember » dont je vais évidemment toucher un mot dans ce papier. Tantôt drôle, tantôt sexy, elle n’était pourtant pas encore ma Kryptonite ultime. Mais force est de constater que depuis plusieurs années - environ cinq - la moustache est devenue une arme massive de séduction contre ma petite personne. Elle arrive, à elle-seule, à déclencher certaines pulsions improbables au creux de mon estomac. Si les goûts et les couleurs ne se discutent pas, comme dirait Maman, j’entrevois quelques raisons bien précises à ce point faible. 

Plus encore qu’un choix esthétique, la moustache est pour moi synonyme de valeurs en lesquelles je crois profondément et si vous pensez le sujet volage, c’est que vous faites bien de lire cette newsletter. De Zorro à Nico (prénom choisi pour la rime, n’y voyez aucune interjection visée), il y a quelques décennies et un positionnement politique à l’origine de ce regain de popularité. Si je fais un raccourci évident entre l’expression « porter la moustache » et « porter ses couilles », ce n’est pas au hasard.

Novembre, un mois pour porter la moustache, et prendre soin de vos valseuses

Il était une fois, en 2003, une initiative née à Melbourne, en Australie. « É que s’apeliero » le Movember (si t’as la ref, t’es un.e vrai.e). Mon béguin ultime pour ce pays (et ses mecs) n’a désormais rien de secret pour la majorité des gens, et je pense qu’il provient en partie de l’intérêt que j’ai porté au phénomène lorsqu’il est arrivé sur le sol français en 2012. 

Loin d’être un simple pari entre potes de vestiaires, il s’agit en réalité d’un défi réglementé avec un objectif non-négligeable : inciter les hommes à apporter plus de considération à leurs problèmes de santé, qu’ils soient physiques (avec en première ligne le cancer de la prostate ou des testicules), ou mentaux (difficultés à assumer les stéréotypes de la virilité ainsi que la pression sociale). Porter la moustache, comme une bandoulière scandant « je suis une homme et parfois, c’est dur » (de façon sincère hein, ici on n’est pas pour la victimisation des enfants du patriarcat non plus), c’est un poil paradoxal, surtout quand on se souvient qu’à l’aube des années 80, le port de la rangée poilue était bien trop souvent catalogué à la communauté homosexuelle. Freddy Mercury, si tu m’entends, sache que le « cuir moustache » a bien évolué depuis que tu es parti.  C’est ainsi que de 30 hommes, au départ, le Movember a commencé à toucher, au fil des années, de plus en plus de visages masculins jusqu’à compter une vingtaine de pays participants (officiellement) en 2020. Fait non-négligeable : depuis 2003, plus de 1200 projets de recherches médicales ont été financés par la Movember Foundation Charity, la fondation officielle créée en 2007 par le même groupe d’organisateurs d’origine. 

Alors vous allez me dire : Laurie, arrête de faire la bonne samaritaine, ce n’est pas la prostate des mecs qui te met le feu aux poudres quand tu vois une moustache. À cette accusation votre honneur, je répondrais… oui et non. J’ai toujours adoré la prise de position originelle de ce mouvement, et contrairement à certaines, je sais sur quoi il est basé. Honnêtement, je trouve le message très sexy. Outre le fait que la moustache en elle-même, qu’elle soit barrette ou dali-esque, souligne selon moi parfaitement les courbes d’un visage qui n’aurait assurément pas la même dégaine rasé à blanc ou perdu sous une barbe broussailleuse. 

Toujours est-il que je ne peux pas m’empêcher de faire un parallèle fou entre la définition erronée et perdue de ce qu’est la véritable virilité et le port de la moustache puisque finalement, c’est de ça qu’il est question. Quand on me demande quel est mon style de mec, je répond régulièrement « un mec qui porte ses couilles et la moustache, beaucoup mieux que moi ». J’obtiens des sourires et des rires face à cette vérité. Peut-être qu’in fine, ce qui me rassurerait en tant que femme, c’est la capacité assumée du sexe opposé à ressentir une certaine fragilité. Encore en 2023, la fragilité, c’est la femme (grossier mais assurément vrai). Et penser un quart de seconde que des mecs - souvent dotés de carrures imposantes puisque le Movember est très populaire dans le secteur rugbystique - s’accordent sur une manière timide et sous-entendue, de se rapprocher de l’humanité au global sur quelque chose qui n’est pas différent chez les deux sexes, ça me fait chaud au coeur. 

Pour conforter ce point sur la fragilité, je vais revenir sur une donnée que beaucoup ignorent et qui détaille le processus officiel du mouvement : les énergumènes qui veulent se prêter au « jeu » doivent, originellement, débuter le mois de novembre rasé à blanc, et veiller, jour après jour, à ne maintenir sur leur petit minois que la moustache seule. Aucun poil ne doit être présent sur le reste du bas de visage. Une manière non-conventionnelle de laisser tomber l’armure métaphorique que peut signifier la barbe populaire qui protège plusieurs centimètres carrés de peau, et aussi un peu leur sourire. 

Toutefois, on ne va pas se mentir :  assurer que l’ensemble des mecs portant une moustache soit totalement au courant de l’origine du mouvement serait utopique. Il y en a qui aiment tout simplement la dégaine que ça leur donne. Mais j’aime à penser que, sans le savoir, ils portent une affirmation rassurante sur leur visage.  

Rooster, épouse moi

Si le Movember a probablement joué beaucoup sur l’épidémie stylistique de la chose, ce n’est pourtant pas la première fois que la moustache est signe d’appartenance et de ralliement entre « bonhommes ». Elle a également trouvé toute sa popularité dans le secteur de l’aéronautique, spécialement aux États-Unis, où les pilotes partent parfois de longs mois en missions, décidant d’en faire une tradition légère qui encourage la cohésion d’équipe. Un signe d’appartenance « militaire » qui a su séduire plus loin que ce secteur particulier. 

L’incarnation parfaite de ce phénomène selon moi, c’est le personnage de Rooster, dans « Top Gun Maverick » sorti en 2022. Incarné à l’écran par Miles Teller, que l’on avait pu voir imberbe dans « Divergente » ou encore « Footloose », le personnage moustachu a littéralement envahi les réseaux sociaux et fait chavirer le coeur de ces dames. Bon, le mec est pas franchement dégueulasse quelle que soit l’idéologie pilleuse de son visage mais j’ai quand même été franchement étonnée de voir l’engouement suscité alors qu’il possède quasiment la même dégaine que Magnum. Et je n’ai jamais entendu aucune fille - avant ça - me confier un désir quelconque pour le héros télévisé des années 80. Plus encore que l’opération séduction féminine, ce sont aussi les spectateurs masculins qui se sont laissés séduire par le look rétro mais néanmoins charismatique du personnage puisqu’on a pu constater l’émergence de tendances et autres hashtag (dont #TopGunMustach) sur les différents réseaux sociaux. Le tout, pour mon plus grand plaisir. 

Alors, qu’est ce qui fait concrètement qu’un détail souvent qualifié de ringard puisse se réinventer d’un jour à l’autre ? Honnêtement, je n’en sais rien. C’est probablement l’éternel recommencement de la mode. Mais ce que je peux vous dire, c’est que le personnage de Rooster, assez complexe si vous avez vu le film, propose une version de l’homme courageux aux blessures ancrées qui n’était franchement pas pour me déplaire. Il y a même une évidente dichotomie entre la douceur de son regard et l’agression pilleuse qui surplombe sa bouche. Typiquement ma cam. La fameuse scène de football américain sur la plage n’était pas trop mal non plus. Mais ça c’est un autre sujet. Finalement, ce qui m’embête le plus avec cette rencontre fictive de l’homme idéal, c’est qu’il a fait comprendre à bien d’autres que moi, le pouvoir charismatique de la moustache, me laissant un peu moins seule sur ce terrain de bizarrerie. 

Enfin s’il y a une chose qu’il faut savoir à mon sujet, c’est que je suis curieuse de moi-même. J’aime retourner mon cerveau et mes souvenirs pour identifier les causalités de mon subconscient. Et sur cette attirance incontrôlable pour les moustachus… j’ai trouvé un point de départ qui rejoint tout ce qu’ils m’inspirent, depuis que je suis en réalité toute petite.

La première moustache de ma vie 

Je crois sincèrement qu’on ne se lève pas un matin en décidant d’adorer les moustaches. Il faut bien y être confronté.e à un moment ou un autre de notre existence, faisant un lien indirect avec quelque chose qui nous fait nous sentir bien. En y réfléchissant un peu plus profondément, je n’ai eu aucune difficulté à retrouver la toute première moustache qui m’a inspiré sécurité, charisme et masculinité tendre. Cette moustache, c’était celle de mon grand-père maternel. Un homme grand et fin au regard dur et à l’expressivité renfermée. J’ai toujours trouvé qu’il ressemblait à Zorro, tant sa moustache était précise et intemporelle. Une barrette fine, étudiée au millimètre près comme pour signifier au monde, la dureté de son tempérament. Formant un binôme haut en couleurs avec une grand-mère qui représentait tout son inverse, je ne l’ai pas épargné les premières années de ma vie. Il râlait tout le temps, ne souriait quasiment pas et ne me démontrait pas de marques d’affection particulières alors qu’il m’avait dans les pattes chaque semaine depuis ma naissance. Pour la peine, je m’amusais même à lui marcher sur les pieds lorsqu’il était sagement assis dans son fauteuil, devant la télé-novela que ma grand-mère lui imposait au quotidien. Et puis, elle est tombée malade. Un Azheimer lent et vicieux qui a fini par effacer complètement la personne qu’elle avait toujours été : impliquée, prévenante, affectueuse et douce. Et devant l’évolution de cette situation loin d’être sympathique à vivre, Raphaël a accepté d’endosser la part d’amour qu’elle n’était plus capable de donner. Il s’occupait d’elle, au quotidien, sans jamais craquer. Croyez-moi, il faut une force mentale incroyable pour ne pas abandonner dans ce genre de cas. Quant à moi, j’ai tout vu. Et il a vu, que j’avais tout vu. C’est comme ça qu’un jour, il a commencé par me sourire, puis me parler, pour finir par me couvrir de son regard fier et ce, jusque’au dernier jour. Nous avons été l’un pour l’autre la parenthèse complice hebdomadaire au milieu de ce que je qualifierais de drame de l’âme. D’un militaire fumant des gitanes qui empestaient la cuisine de l’appartement, j’ai découvert un homme doux qui n’abandonne pas, qui protège, écoute et sait rire, qui soutient du regard et qui ne s’embarrasse pourtant de rien. Qu’est ce que je disais… la fragilité derrière la moustache. 

Ça me donnerait presque envie de le faire aussi, ce Movember. Ceci dit, un Homme qui s’autorise à être fragile, fort et charismatique à la fois, le tout avec une pointe d’humour… ce n’est peut-être rien d’autre qu’une femme ? Balle au centre. 

PS : venez pas de me parler de la moustache d’Hitler, il faut toujours une exception qui confirme la règle et celle-là, j’irai pas la défendre. 

la marge.

Par Laurie Planes

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